GREGG avec une Diva d'Amsterdam

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Souvenir d'Amsterdam - août 2015

dimanche 19 octobre 2014

Entrevue avec Magda Moraczewska, artiste

19-10-2014
 
Magda Moraczewska, artiste
 


Gregg - Tout d’abord, pourriez-vous  nos décrire votre cheminement d’artiste ?

Magda - je crée des images depuis toujours
oui depuis bien avant les beaux-arts

dessin peinture et gravure
un peu de photoshopping beaucoup d'écriture

j'ai beaucoup exposé
d'abord il s'agissait de collages sur papier ensuite sur toile

des objets en volume en papier mâché
plus tard j'ai rencontré la poudre de marbre ...

j'ai toujours besoin d'une matière palpable et présente ... c'est par-dessus que je dessine au pinceau
ou au doigt

un cheminement ?
depuis toujours clarifier et transcrire ma vision double et ...

retrouver le Dessin dans la matière




Gregg  Votre dernière exposition a pour thème – Dédoublements – que vouliez raconter comme récit ?

Magda - ce que je raconte ?

en fait ce ne serait pas un récit mais un dialogue

d'ailleurs on peut poser la question autrement ...

que s'est-il passé entre le projet (assez ancien) et sa réalisation ?

le fait de voir double ... une particularité physique de ma vision

m'a acheminée vers un questionnement allant au-delà de la physiologie
un questionnement sur le Double

une sorte de présence intérieure
cet Autre que nous

portons tous en soi
de manière passagère

ou constante ...
un dialogue intérieur m'accompagne d'ailleurs depuis toujours ...

il s'est instauré
également un dialogue entre quelques personnes

m'étant proches et mon propos
lors de la réalisation des travaux

et puis bien sûr
entre moi et le regardeur

 

 
Gregg Dans vos derniers projets… soit vos « Carnet doubles de »… « les doubles vues »… entre autres,  le thème Double, est très présent, est-ce que Magda; artiste est un dédoublement de Magda, la femme ?

Magda - non
je ne fais pas la différence entre les "rôles sociaux" prédéfinis

et je ne me sens ni découpée ni scindée
il n'y a ni peau

ni masque

dédoublée et unique je m'y retrouve

(Magda est toujours et femme et artiste à la fois)

je sais m'observer et j'adore le faire comme le dit bien une des photographies de Kolya San présentées à mon expo
tout comme je suis pleinement

dans ce que je fais

c'est complexe et dense

...

à partir d'un flux qui me porte
je vais tout au fond

pour au final rencontrer ... l'Autre

oui c'est du brut

du schizophrène et du délirant
et du très civilisé à la fois

voire du ... cultivé


 
Gregg - Vous avez déjà dit que vous aimeriez être très connue… qui recherche ça, l’artiste, la femme ?

Magda - je dirais faisons juste attention
de ne pas confondre

la cause et l'effet
dans le sens où tout artiste aime à se montrer

me faire connaître est donc important mais aussi normal
d'ailleurs il ne faudrait pas mélanger non plus

célèbre et connu ...

 
Gregg - Dans votre exposition – Dédoublements – vous aviez deux invités l’auteur Laurent Herrou et le photographe, Kolya San… parlez-nous de  votre rencontre avec eux ?

Magda - il existe des personnes particulières face à qui
au bout de la première rencontre
j'ai l'impression
de les avoir toujours connues

j'aime ce type de rencontre ...
nous avons déjà exposé ensemble

avec Kolya en mois de juin

chez Corinne Glass
...

le pourquoi de mon invitation ?
une affinité naturelle ... dans la lignée des projets futurs ...

l'idée de la série schizophrénique de Kolya est venue tout naturellement
et pour Laurent ?

c'est à l'expo en juin que je l'ai connu (invité par Kolya il faisait une lecture du Vice de Forme)
son questionnement sur

la double identité masculine/féminine dans son texte Nina Myers
m'intéresse énormément - Nina s'est inscrite dans le thème Dédoublements de manière évidente ...

la double lecture (sur deux séances) du texte
m'a incitée à créer les "carnets de Nina" un livre de croquis
basé sur le principe de l'écriture automatique ...

par ailleurs à partir d'une phrase de Laurent j'ai conçu un livre de 7 gravures/monotypes originales intitulé TRAIT(RE)S
présenté également à l'expo...

 

 
Gregg Que retenez-vous de ces rencontres ?

Magda - eh bien en fait ... TOUT

le meilleur et le pire


Gregg - Comment vos visiteurs ont accueilli votre exposition?

Magda - beaucoup d'intérêt et de curiosité
surtout pas rapport au titre de l'expo - Dédoublements ... visiblement

(et je le savais déjà) c'est une thématique

qui touche
qui questionne

je suis ravie ...
les réactions des gens m'intéressent au plus haut point

... une réponse en mots à une question posée en images vous imaginez ! c'est magique ...
 
Gregg - Un commentaire qui vous a surpris?

Magda - "c'est perturbé ça ! je reviens avec ma femme et nous regarderons tout à deux"

 
Gregg - Niki de Saint Phalle, aurais aimé dépasser le projet de Cathédrale de Gaudi, en proposant sa « Femme cathédrale » quelle serait l’artiste que voudriez confronter dans un projet artistique?

Magda - j'ai mes références oui
mais

je ne suis pas dans la logique de faire "mieux que ..."...
à moins de me confronter à moi-même d'il y a quelques années ...

un Dédoublement par excellence
 
 

Gregg - Vous aimez bien la peinture, la gravure, l’écrit et le dessin, si vous deviez choisir une seule discipline, laquelle choisiriez-vous et pourquoi?

Magda - "j'aime bien" ?
c'est un peu toute ma vie oui ..
un choix ?
heureusement ce n'est qu'une question théorique ! et qu'elle ne se pose pas vraiment n'est-ce-pas ?

 
Pour compléter l'article, j'ai invité à mon tour l'auteur Laurent
Herrou et l'artiste kOLya San à nous écrire un mot sur  leur rencontre avec Madga...
 


 
 
Kolya San
... évoquer Magda Moraczewska
Vous parlez de notre rencontre, un soir d'hiver dans un théâtre parisien, une amie commune nous a présenté ce soir-là. Pendant la pièce assez mauvaise, Magda était assise derrière moi, et je suis persuadé qu'elle est restée jusqu'à la fin de la pièce parce que j'étais là ... et moi je suis resté jusqu'au bout pour la même raison.
De là, la relation s'est posée (imposée) toute seule ... comme une évidence ... nous nous sommes revus, j'ai posé pour elle, elle a posé pour moi, nous avons exposé ensemble ... j'ai petit à petit abordé son travail ... son expression ... (elle).
Magda Moraczewska ... son travail est fascinant, au-delà de l'aspect technique (poudre de marbre - bleu outremer), une forme très structurée et pourtant très libre de dialogue intérieur ... tout en s'adressant à l'autre ... des zones d'ombres, des zones de rêves, des zones flous qui viennent (me) raconter des histoires ... intenses.
Résumer l'artiste, la femme, m'est difficile en quelques lignes ... mais j'ai envie de citer Tadeusz Różewicz : « être éphémère je suis des yeux » ... et ceux de Magda voient DOUBLE.
kOLya San - octobre 2014
Laurent Herrou 
 
 
Magda a commandé un café viennois, je buvais un verre de vin blanc, c’était il y a quelques mois sur une terrasse parisienne. Il faisait beau, c’était encore l’été — un été précoce, qui se ferait cruellement désirer ensuite, brouillant les pistes. Le serveur a apporté la boisson, sur laquelle trônait de la chantilly et de la poudre de cacao. Magda a demandé ce que c’était, le garçon a répondu : un chocolat viennois, comme vous me l’avez commandé. Magda a corrigé : je vous ai commandé un café viennois, et avant que le serveur n’intervienne, elle a expliqué qu’elle était allergique au chocolat.
Il n’en faut parfois pas davantage pour initier une complicité.
Dans la version originale du texte que Magda m’a demandé pour le projet que nous aurions en commun, l’erreur du serveur signait son exécution.
Le serveur s’est excusé, a rapporté le chocolat en cuisine, il est revenu avec un café viennois. Nous avons payé — devant nous, des clients américains eux s’étaient enfuis, confirmant ce que la rencontre avec Magda laissait présager : il y a des traîtres parmi nous.
Nous nous sommes rencontrés à une lecture, Magda Moraczewska et moi, et c’est une lecture qu’elle m’a proposée autour de sa future exposition. Il y serait question de dédoublement. Son travail polymorphe, j’en avais déjà été témoin lors de la première lecture à la galerie Corinne Glass en juin : tandis que je saignais sur scène, Magda décochait des traits sur un iPhone qui me fixaient, papillon de collection, m’achevaient. Dans son regard acier, il y avait une curiosité d’entomologiste. Ce que je représentais à ses yeux, je n’en avais pas idée. Simplement cela : il y avait un écho, là, présent, qu’elle invitait à se manifester à nouveau quelques mois plus tard. Magda présenterait des toiles anciennes, et des gravures plus récentes, les unes miroirs des autres comme je serais lors de cette exposition-là, à la galerie L11, dans le 18ème arrondissement de Paris, miroir de moi-même.
Magda porte des lunettes larges, qu’elle met et enlève à loisir, sans souci de la lumière qui l’entoure. Elle a un défaut de la vision, qu’elle confesse parfois, qui explique en partie son travail, mais ne le rationalise pas. Magda est une artiste, et ce n’est pas une pathologie unique qui fait de soi un artiste : au mieux cela le complète-t-il, l’enrichit parfois. Elle est allergique au chocolat et son regard acier signe l’arrêt de mort des serveurs parisiens. Elle boit doucement son café viennois, je visse impassiblement le silencieux sous la table. Magda se lève, je fais signe au garçon de café, lui tends les pièces et l’abats dans le même geste avant que sa main n’ait eu le temps de se refermer sur l’argent. Les pièces roulent au sol. Devant nous, à la rangée de tables antérieure à la nôtre, des touristes américains se sont enfuis sans payer.
Ce n’est pas notre cas.
Magda Moraczewska paye au quotidien sa dette à l’humanité.
Retirez vos lunettes et ouvrez les yeux avant qu’il ne soit trop tard.
Laurent Herrou                Octobre 2014
TRAIT(RE)S - Gravures : Magda Moraczewska - Texte : Laurent Herrou
Tirage limité et numéroté, eau forte, pointe sèche et monotype sur Hahnemuhle 300g - format 30x30 - 470 €
 

 
Photographie(s) Magda Moraczewska Série Schizophrénique - 2014 - © kOLya San
Et les autres photos sont également de © kOLya San - 2014



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